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Entretien avec Bruno Romagny, directeur de recherche, économiste des ressources renouvelables, IRD

À quelques semaines du 27e CS de la Fondation, nous vous proposons de faire connaissance avec les membres (passés, actuels) de notre conseil scientifique. La parole est à Bruno Romagny, directeur de recherche, économiste des ressources renouvelables, IRD.

Pourquoi êtes-vous devenu chercheur ?

Ce n’est pas évident de vous dire pourquoi je suis devenu chercheur (entre hasard et nécessité), mais je peux en revanche vous dire pourquoi j’aime ce métier. Une des principales raisons est l’indépendance, garantie (pour encore combien de temps ?) par le statut de chercheur ou d’enseignant-chercheur. Ceci renvoie à la nécessité de liberté de production des connaissances scientifiques, de diffusion de ces connaissances, et des modalités de réalisation de ces missions qui doivent être protégées des censures ou des instrumentalisations de toute sorte : politiques, économiques, religieuses, etc. En 1997, j’ai été recruté comme chercheur à l’Orstom (devenu Institut de recherche pour le développement, IRD, fin 1998), juste après avoir soutenu ma thèse de doctorat en sciences économiques à l’université de Nice Sophia-Antipolis. La transition entre le monde universitaire, au sein duquel j’ai enseigné et effectué des travaux essentiellement théoriques, et celui de la recherche finalisée au Sud en partenariat a donc été très rapide. En tant qu’économiste des ressources renouvelables, j’ai démarré ma carrière à Montpellier en collaborant surtout avec des halieutes. J’ai accompli mes premières missions de terrain au Sud, au Mozambique puis en Côte d’Ivoire dans l’optique d’une expatriation en Afrique. L’expatriation m’a beaucoup apporté, tant au niveau scientifique qu’humain : elle m’a permis de constituer des partenariats solides, d’avoir un accès au terrain facilité, de développer des échanges et projets collectifs, d’encadrer des étudiants, etc.

Que signifie pour vous l’expression « communauté scientifique » ?
J’ai le sentiment d’appartenir à une communauté scientifique pour laquelle le travail de chercheur ne se limite pas à collecter des indicateurs, à gérer sa carrière, ou à obtenir la meilleure valorisation financière, etc. Notre travail s’appuie sur la création, le débat, le partage et la transmission de connaissances. Les réformes menées en France depuis 20 ans ont transformé les chercheurs en rouages d’une machine scientifico-administrative de plus en plus lourde et concurrentielle. Une machine qui ne répond pas aux attentes de collectifs de recherche confrontés à une hyper spécialisation des savoirs. Appartenir à une communauté qui tente de donner du sens au travail du chercheur, c’est pour moi aujourd’hui le rendre vivant en le réinscrivant dans son environnement social, politique, culturel, éthique, écologique, humain...
Je crois donc appartenir à une communauté de chercheurs travaillant dans le domaine des sciences humaines et sociales sur les questions d’interactions nature(s)-société(s), en partenariat, à l’échelle de la Méditerranée et avec une forte ouverture interdisciplinaire. Le Maghreb et les relations France, Union européenne - Maghreb jouent un rôle essentiel au sein de cette communauté épistémique. Depuis 2016, j’exerce les fonctions de co-directeur du Laboratoire mixte international (LMI ) MediTer « Terroirs méditerranéens » dans le cadre de son second mandat (2016-2020), avec mon collègue Saïd Boujrouf de l’université Cadi Ayyad de Marrakech. Les activités de ce LMI, basé au Maroc, en termes de recherche, formation et expertise, contribuent, depuis une dizaine d’années, au dynamisme de cette communauté scientifique.

Quelles sont vos ambitions et attentes vis-à-vis du CS d’AF ?

Je suis très heureux et honoré d’avoir été sollicité par Agropolis Fondation pour devenir membre du Science Council à partir de janvier 2020, en remplacement de mon collègue économiste Philippe Méral. J’espère être à la hauteur du travail qu’il a effectué ces dernières années au sein de ce Conseil. Je suis impatient de faire la connaissance de mes nouveaux collègues, des dossiers à traiter et de partager mes points de vue avec eux, même si je connais Marie-Christine Cormier-Salem depuis longtemps. C’est Jacques Weber qui m’avait parlé de cette géographe passionnée des questions de biodiversité et d’aménagement des espaces marins. Nos routes se sont croisées à plusieurs reprises à l’IRD, la dernière fois quand je participais à sa demande au Comité de suivi scientifique du LMI PATEO qu’elle co-dirigeait au Sénégal.
J’espère retrouver dans ces nouvelles fonctions de membre du CS d’AF le plaisir que j’avais quand je travaillais à mi-temps comme chargé de mission scientifique auprès du directeur du Département « Sociétés » au siège de l’IRD à Marseille. Je suis très enthousiaste à l’idée de renouveler ma connaissance des projets de recherche et mon expertise, à travers le CS d’AF, au service de la recherche, essentiellement celle en SHS qui aborde les enjeux de la transition des systèmes agro-alimentaires en Méditerranée. Je suis enfin très intéressé par le fait de découvrir ou de reprendre contact avec les laboratoires qui disposent de très nombreuses compétences dans ces domaines scientifiques au niveau du territoire montpelliérain, ouvert à l’international et sur la Méditerranée.