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26 septembre 2023

Interview de David Makowski, Directeur de recherche à l’INRAE et Keynote ASAB

Interview de David Makowski, Directeur de recherche à l’INRAE et Keynote ASAB


Vous avez réalisé des études d’agronomique à INA Paris-Grignon.
Qu’est-ce qui vous a orienté vers les sciences des données ?

Plusieurs raisons. La première est que les résultats des expérimentations biologiques ou environnementales sont très bruités. Sans traitement statistique, il est impossible de faire la distinction entre une fausse découverte et une vraie découverte.
 
La seconde raison est que l’analyse de données permet de combiner des informations de différentes natures et/ou obtenues dans différentes conditions afin d’en tirer des résultats plus généraux, ayant une portée plus grande.
 
La troisième raison est que c’est un domaine qui évolue très vite. La science des données d’aujourd’hui est très différente de celle que j’ai connue en tant qu’étudiant en master. Il y a eu plusieurs évolutions majeures au cours des vingt dernières années. C’est très excitant et il faut suivre des formations chaque année pour rester compétitif.
 
La quatrième raison est que les sciences des données permettent de travailler dans des domaines très variés, sur des sujets très différents, dans tous les pays du monde, et ainsi de rencontrer des scientifiques de nationalités et de profils extrêmement diversifiés, sans nécessairement beaucoup voyager. Il m’arrive ainsi souvent de travailler le matin avec des collègues asiatiques, le midi avec des collègues européens et l’après-midi avec des américains, sans quitter mon bureau.
Pour quelqu’un de très curieux comme moi, c’est le domaine idéal.
 
Selon vous, que peuvent apporter les mathématiques et l’informatique à la biologie ?
Ces disciplines sont utiles à tous les stades d’un projet de recherche :

  • Pour la conception de l’expérimentation, notamment son dimensionnement et le plan d’expérience, qu’il est important d’optimiser pour éviter de perdre son temps et son argent.
  • Pour le stockage des résultats et la traçabilité des données, pour éviter de perdre des informations précieuses.
  • Pour l’interprétation des résultats. Les données biologiques sont tellement variables qu’il n’est pas possible de faire la distinction entre un effet réel et un effet dû à un bruit sans analyse de données rigoureuse.
  • Pour faire des analyses d’incertitude pour identifier les trous de connaissances et orienter les recherches futures.
  • Pour l’extrapolation des résultats à l’aide de modèles mathématiques et ainsi valoriser ses données dans d’autres contextes.

En d’autres termes, ces disciplines permettent d’augmenter considérablement l’efficacité et la fiabilité de la recherche scientifique.
Intégrez-vous dans vos modèles les données économiques et sociales ? Selon vous, quels sont les enjeux et verrous à lever pour permettre une telle intégration ?
Oui, je travaille de plus en plus avec les prix des matières premières agricoles. Je m’intéresse à l’impact des variations des rendements des cultures sur les prix.
A mon sens, il n’y a aucun verrou particulier. Les mathématiques sont déjà extrêmement présentes en économie, depuis bien longtemps.
En sociologie, c’est plus récent mais les perspectives sont extraordinaires dans ce domaine. Il est dorénavant possible d’analyser facilement de manière quantitative de grandes quantités de textes, d’interviews et d’images pour en tirer des conclusions sur le fonctionnement de groupes de personnes ayant différents profils. Cela va bouleverser la discipline. Je suis persuadé qu’au cours des dix prochaines années, nous allons faire des découvertes majeures sur le fonctionnement de nos sociétés grâce à cela.
Les seuls verrous seront, comme souvent, notre volonté et notre imagination.

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