Agropolis Fondation a organisé, le 23 juin, à la suite de la réunion du Groupe des directeurs d’unités, un webinaire sur le thème : « Santé des plantes dans leur environnement, mobiliser la communauté Agro face aux crises sanitaires ». Cette réunion a rassemblé une soixantaine de participants. Nous en présentons ici un compte rendu sommaire. Le compte-rendu détaillé est à consulter ici.
En ouverture de la rencontre, Marie-Christine Cormier-Salem, directrice de la Fondation, est revenue sur l’origine de l’organisation de ce webinaire :
Montée en puissance des concepts d’EcoHealth ou de One Health (dossier d’Agropolis International ou article de l’IDDRI).
Crises sanitaires
Montage d’un projet commissionné sur la santé des plantes et volonté d’ouvrir le consortium.
Le programme détaillé du webinaire est disponible ici.
IDEE DE PROJET : SANTE DES PLANTES DANS LEUR ENVIRONNEMENT – Catherine Abadie et Gilles Béna
Catherine Abadie et Gilles Béna ont introduit le webinaire en présentant l’idée de projet actuellement portée par des membres de Phim (budget Agropolis Fondation de 300 k€).
Idée de projet issue de trois concept notes proposées dans le cadre de l’animation scientifique de la fondation en 2019 :
1. Epidémiosurveillance
2. Phytobiome
3. Cultures innovantes du riz (zéro pesticide).
Une organisation en trois piliers : (1) épidémiosurveillance / dynamique et écologie des bioagresseurs (actuels et émergents) ; (2) microbiome (sol, plante, pathobiome) ; (3) innovations agroécologiques (dont nouvelles variétés) pour une approche intégrée (ouverture possible aux SHS, aux liens avec le climat ou la nutrition des plantes).
Une perspective EcoHealth pouvant s’ouvrir au cadre One Health.
Objectif de cette présentation : créer un consortium de chercheurs au sein de la communauté autour de cette idée pour la construction d’un futur projet étendard.
Présentation des différentes actions envisageables (voir présentation ci-dessous). Actuellement les terrains / plantes identifiés sont plutôt au Sud (banane, riz).
Leur présentation a également portée sur les différentes caractéristiques de la santé des plantes (bon état sanitaire, sol vivant, culture diversifiée, interactions avec l’environnement, lien avec la santé des agroécosystèmes).
Questions / commentaires :
Les questions ont porté sur l’innovation agroécologique en matière de création de nouvelles variétés et sur l’attente du projet vis-à-vis des SHS.
Les intervenants ont répondu qu’ils considéraient les plantes hybrides résistantes aux maladies comme des innovations agroécologiques mais pas celles par construction génétique ou OGM. Concernant les SHS, les intervenants souhaitent intégrer une composante de compréhension des mécanismes d’adoption des nouvelles pratiques agroécologiques par les agriculteurs et à leur diffusion dans les agrosystèmes et sur un territoire (échelle spatiale à préciser).
Retrouvez la présentation de Catherine Abadie et Gille Béna ici :
UNE APPROCHE DE LA SANTE DES TERRITOIRES DANS UN CADRE « ONE HEALTH » – Aurélie Binot
Aurélie Binot a présenté un projet en cours de montage utilisant l’approche One Health appliquée à la santé des territoires. Le but : mieux relayer les problématiques de santé humaine et animale avec l’environnement (étude des zoonoses).
Elle a présenté le contexte scientifique et institutionnel du projet « santé des territoires » construit par un consortium large (Cirad/AFD, ISAR, Université GB, IRC/INRAB, Université de Parakou, IRD, SRC). Le projet, qui considère la santé et le territoire comme des communs, vise à identifier les changements souhaités par les habitants pour améliorer collectivement la santé de ce territoire. Pour cela, le projet s’appuie sur des living lab où experts et chercheurs vont étudier l’impact du changement de pratiques sur la santé (co-construction de différents scénarios). Les terrains envisagés sont l’Afrique de l’Ouest et l’Asie du Sud Est.
Aurélie Binot a terminé sa présentation en présentant un schéma de synthèse de son approche de la santé des territoires qui a été salué pour sa clarté (voir présentation ci-dessous).
Questions / commentaires :
1- Question sur la définition d’un territoire dans le projet. Réponse : il est appréhendé à trois niveaux, comme échelle de travail, comme dispositif où diverses institutions et groupes se coordonnent et comme objet de recherche.
2- Question sur la définition d’un territoire sain. Réponse : c’est un objectif du projet (cf. diapo/schéma conceptuel à ce sujet)
3- Question sur le fait de considérer le « développement économique » comme un bien commun. Réponse : ce n’était pas le propos, il s’agissait juste d’illustrer le fait que l’approche par les communs peut concerner des objets immatériels.
Retrouvez la présentation d’Aurélie Binot ici :
PROJET DE KEY INITIATIVE MUSE – RISQUES INFECTIEUX ET VECTEURS (RIVE) – Didier Fontenille
Didier Fontenille a présenté son projet de Kim sur les risques infectieux et les vecteurs qui doit être validé par le Board de Muse le mois prochain.
Le but de la Kim Rive : anticiper, prévoir, gérer et contrôler les futures épidémies liées à un contrôle des vecteurs pas assez efficace. Le moyen : réunir les compétences de Montpellier (environ 600 personnes) en mobilisant 3 cercles : (1) Vectopôle Sud et les UMRs de la thématique, (2) les partenaires économiques et institutionnels de la région et (3) les autres partenaires nationaux et internationaux.
Les six objectifs de la Kim Rive sont décrits dans la présentation ci-dessous.
Les actions en recherche, formation, innovation et structuration imaginées : création d’un think thank, organisation d’ateliers, de formations (y compris à destination d’enseignants du secondaire), construction de liens forts avec des partenaires privés, valorisation et promotion des résultats de la recherche…
Le projet de Kim est ouvert, Didier Fontenille a invité tous les participants à, s’ils le souhaitent, s’impliquer dans ce projet et à ne pas hésiter à se mettre en contact avec lui et avec le board de Muse.
Questions / commentaires :
Question sur axe vers les décideurs (public ou pas). Réponse : OUI absolument. Ces décideurs (politiques, économiques, associatifs, institutionnels) font partie du deuxième cercle de la Kim Rive.
Question sur lien avec GT "Vecteurs" à l’Anses. Réponse : les liens existent en ce sens que plusieurs membres de la Kim Rive sont membres du GT vecteurs Anses.
Retrouvez la présentation de Didier Fontenille ici :
CO-CONCEVOIR DES SYSTEMES HORTICOLES TROPICAUX ECOLOGIQUES MULTI-PERFORMANTS A L’UR HORTSYS – Fabrice Le Bellec
L’intervention de Fabrice Le Bellec (DU HortSys) visait à présenter la manière dont une unité d’agronomie peut contribuer à la santé des plantes.
HortSys est constitué de 50 agents Cirad. Le projet d’HortSys s’organise en trois axes. La présentation a plus spécifiquement porté sur l’axe 2 « Produire des innovations agro-écologiques ». Il s’agit notamment d’étudier les innovations permettant de réguler et de s’adapter aux bioagresseurs tout en prenant en compte les contraintes des agriculteurs.
L’UR HortSys travaille plus particulièrement sur deux plantes d’intérêt agronomique : la tomate et le manguier. Fabrice Le Bellec a développé deux exemples de travaux sur ces plantes (voir présentation ci-dessous).
Retrouvez la présentation de Fabrice Le Bellec ici :
L’ACCEPTATION DE LA PART « SAUVAGE » DES PLANTES EN SYSTEMES MARAICHERS – Aurélie Javelle
Aurélie Javelle a présenté les résultats d’un travail ethnologique réalisé auprès de 14 maraîchers cévenols. Après avoir présenté le contexte théorique de l’étude (plant turn et écologisation des pratiques), elle a précisé son but : saisir la part sauvage de la plante cultivée et les manières dont les maraîchers composent avec cette part sauvage (étude du « par soi-même » des plantes).
En termes de résultats, Aurélie Javelle a présenté un gradient allant d’un contrôle humain unilatéral (modèle classique) à l’expression libre du par soi-même des végétaux en particulier les plantes cultivées qui ont plus de liberté que les adventices.
Aurélie Javelle a terminé son intervention en proposant deux axes de développement :
Quelle valorisation du « par soi-même » des plantes dans la gestion des maladies ?
L’usage de capteurs numériques change-t-il les relations avec les plantes en cultures maraîchères ?
Questions / commentaires :
Question sur le compartiment sauvage. Réponse : intéressant d’inclure la dimension "sauvage". Je souhaitais insister sur le fait que le "sauvage" n’est pas cloisonné mais présent y compris DANS les plantes cultivées
Question sur le par soi-même recherché ou non par les agriculteurs. Réponse : cela dépend des situations. Ce que je trouve intéressant est que dans certains cas, le par soi-même est recherché après avoir été découvert "par hasard". Il est alors valorisé, voire recherché.
Question sur l’utilité nécessaire des tests en condition contrôlée. Réponse : Idée intéressante à creuser et mettre en lien avec le point de vue des maraîchers.
Retrouvez la présentation d’Aurélie Javelle ici :
DISCUSSION – Daniel Barthélémy
Daniel Barthélémy a réagi aux présentations en tant que directeur du pôle agriculture et biodiversité de Muse :
Il est heureux de l’évolution des thèmes et du vocabulaire dans ce domaine : passer de l’idée de soigner les plantes au concept de santé des plantes ; du curatif au préventif.
Il souligne la nécessité de documenter davantage le vivant et notamment les interactions entre végétaux et micro-organismes.
Sur l’approche One Health, il a pointé du doigt la nécessité de ne pas oublier la santé des plantes et de ne pas focaliser toute l’attention sur la santé humaine.
Il attire notre attention sur l’importance de connecter ces travaux aux politiques publiques qui portent la prévention et le contact avec les réseaux d’acteurs.
Il pose la question de ce qu’est la « bonne santé des plantes ».
Il insiste sur l’importance des compartiments « sauvage » mis en avant par Aurélie Javelle et sur leur combinaison avec des cultures domestiques.
Au niveau institutionnel et de Muse, il salue la structuration de la communauté et aimerait pouvoir jouer un rôle dans l’articulation des pôles de Muse et des Labex (au niveau d’AEB).
Tous ces travaux et réflexions ne peuvent être menés sans faire des passerelles entre disciplines. C’est fondamental.
Questions / commentaires :
L’intervention de Daniel Barthélémy a donné lieu à un débat sur « la bonne santé des plantes » dont le détail est présent dans le compte-rendu long.
DISCUSSION – Jean-Luc Chotte
Jean-Luc Chotte, en tant que directeur de la mission pour la promotion de l’interdisciplinarité et de l’intersectorialité à l’IRD, ne peut que constater la nécessité de l’interdisciplinarité pour traiter de ces questions mais regrette que, trop souvent encore, l’interdisciplinarité ne soit qu’une juxtaposition de disciplines.
Il intervient également comme porte-parole de la science de la durabilité (sustainability science), et trouve qu’on oppose encore trop souvent sciences fondamentale et appliquée. Il insiste sur la nécessité de créer des lieux de rencontres (écoles chercheurs notamment) pour développer ces rencontres, ces connexions entre disciplines sur une thématique comme celle de la santé des plantes.
Il termine son intervention en rappelant que les chercheurs peuvent jouer un vrai rôle d’interface avec les décideurs.
Questions / commentaires :
Mise à disposition des références sur Sustainability Sciences : https://filesender.renater.fr/?s=download&token=14c5551b-33bc-44ae-a69f-1273d503788c
DISCUSSION – Alexandre Hobeika
Alexandre Hobeika est sociologue / politiste à Moisa, il travaille dans une perspective One Health. Son intervention porte plus précisément sur le rôle que peuvent jouer les sciences sociales en santé des plantes. Il insiste sur l’importance d’aller vers des approches intégrées à penser dès le montage des projets. Il insiste également sur l’importance de la connexion aux acteurs et aux partenaires qui peuvent être un objet de recherche pour les SHS.
Il pose ensuite trois points de discussion :
Dans quelle mesure et à quel point les questions de santé sont des questions techniques ?
Qu’entend-on par santé des plantes ?
Quelle posture adopter par rapport aux différents acteurs (participatif ? partenariat ? ...) ?
Alexandre Hobeika a terminé son intervention en précisant que les sciences sociales ont vocation à être en lien avec les autres disciplines et en constatant que, pour la santé des plantes, beaucoup de travail restait à faire (interconnaissance, champ nouveau des SHS).
Retrouvez l’intervention d’Alexandre Hobeika ici :
DISCUSSION – Jean Trap
Jean Trap, spécialiste des interactions sol-plantes, a terminé le webinaire en recentrant le débat sur la thématique des sciences du sol.
Il est revenu sur la diversité des organismes présents dans le sol (micro-organismes et ingénieurs) mais surtout sur leurs interactions, puis a pris l’exemple de la gestion de la pyriculariose (maladie aérienne du riz) à Madagascar (voir présentation ci-dessous).
Retrouvez la présentation de Jean Trap ici :
DEBAT FINAL – Gilles Béna, Catherine Abadie
Pour clore ce webinaire, la parole a été redonnée à Gilles Béna et Catherine Abadie. Ils ont fait part de leur enthousiasme face à la diversité et au champ des possibles ouverts grâce à ces interventions : démarche intégrée, ouverture aux SHS, aux concepts de territoire et d’acteur.
Ainsi, le débat s’est centré sur ce qu’est l’interdisciplinarité et comment la construire dans le champ spécifique de la santé des plantes (de la notion de maladie à la notion de santé). Jean-Luc Chotte est intervenu pour souligner l’importance d’intégrer l’interdisciplinarité dans les formations pour sensibiliser.
Le débat a aussi porté sur la place des données qui n’est pas à négliger dans un projet de cette ampleur. C’est présent par l’épidémiosurveillance mais cela est peut-être insuffisant et pas suffisamment explicité.
CONCLUSION – Marie-Christine Cormier-Salem
Marie-Christine Cormier-Salem a remercié les intervenants et participants (une soixantaine). Ce webinaire a été l’occasion de clarifier les enjeux et de formaliser les questions scientifiques, les approches et les nouvelles pistes de réflexion concernant la question de la santé des plantes. Il a confirmé le choix de se recentrer sur la santé des plantes et de ne pas s’investir tout de suite dans une approche plus large One Health. La force de la communauté Agro réside dans l’étude des plantes cultivées dans leur environnement. Les exposés d’aujourd’hui montrent aussi qu’une ouverture aux SHS est possible.
Marie-Christine Cormier-Salem a précisé que ce type d’animation pour structurer la communauté était une des missions centrales de la Fondation. La Fondation a doublé le budget initial du projet commissionné (de 150K à 300KEUR). L’idée est de potentiellement monter en puissance en allant chercher des co-bailleurs (rôle d’Oliver Oliveros). Pour cela, il est nécessaire de rédiger une première ébauche de projet sur laquelle Oliver pourra s’appuyer pour prendre contact avec ces co-bailleurs potentiels.
La feuille de route :
Tirer les leçons du webinaire avec la rédaction de ce compte-rendu
Organiser un autre atelier de co-construction en présentiel pour faciliter les échanges et formaliser le consortium
Rédiger un projet complet à soumettre en fév-mars 2021 pour le Conseil Scientifique d’avril 2021.
Marie-Christine Cormier Salem a terminé son intervention en rappelant que deux autres projets commissionnés étaient en cours de montage, un sur les systèmes oléicoles et l’autre sur les observatoires. Elle a aussi rappelé que les chargés de mission étaient là pour accompagner ces montages et pour répondre aux questions éventuelles.